Portrait du mois : Deborah Amsallem, Chef de groupe chez Ouvrages Publics

• Pourquoi avoir choisi le secteur de la construction ?  

Je suis arrivée dans le monde de la construction par hasard.  
Je suis en effet issue d’une famille de pharmaciens et de médecins et je n’aurai jamais pensé en étant étudiante que je travaillerais un jour sur un chantier.  
Je me suis orientée vers des études d’ingénieur comme de nombreux étudiants qui n’ont pas de carrière précise en vue. Après le concours des grandes écoles, j’ai été reçue à l’ESTP, école spécialisée dans le BTP et qui offrait aussi de larges opportunités dans divers secteurs. La révélation m’est apparue lors de mon stage de seconde année sur le chantier LAENNEC pour Bouygues Bâtiment Ile-de-France Rénovation Privée. J’ai été impressionnée par toute cette énergie qui ressortait du chantier pour voir sortir de terre ces bâtiments. 
À la sortie de ce stage, il était clair pour moi que je voulais travailler sur le chantier en phase gros œuvre et sur des projets plutôt emblématiques et pharaoniques. C’est ainsi que je me suis retrouvée sur le chantier de la Philharmonie de Paris qui a été le début de ma carrière au sein de Bouygues Bâtiment Ile-de-France Ouvrages Publics. 

 

• Ton plus grand défi relevé ?  

Je pense en avoir relevé plusieurs. J’ai eu la chance sur ces huit dernières années de participer à des projets sur lesquels nous avons rencontré des difficultés techniques et de planning nous obligeant sans cesse à nous challenger.  

Quelques exemples : 

• Sur la Philharmonie de Paris : la réalisation de la charpente métallique ou la réalisation de l’escalier monumental,
• Sur le musée Carnavalet à Paris : la démolition et reconstruction de certaines zones du projet ont été impressionnantes et ont demandé une extrême vigilance. Certaines démolitions avaient lieu à proximité de salles de musée classées aux monuments historiques et où il a fallu préserver tapisseries et autres objets d’arts encore présents. 

Mais celui qui restera le plus dans mes souvenirs reste le chantier du Tribunal de Paris qui aura été pour chaque participant de ce projet un défi de tous les jours. Je garde en souvenir : 

• La réalisation du radier (premier gros challenge du projet) puisque nous avons eu des cadences de ferraillage de l’ordre de 10T d’acier / jour et de coulage de l’ordre de 1000 à 3000m3 par jour avec des cadences de coulage de 260m3/heure 
• En superstructure la réalisation de la charpente de l’ascenseur panoramique qui grimpe le long de la façade de l’IGH (immeuble de grande hauteur) 
• En corps d’état secondaires, j’ai été responsable du pilotage de l’ensemble des travaux des atriums et de la salle des pas perdus qui fut un grand défi de par sa complexité technique (notamment pour habiller cette salle qui mesure jusqu’à 25m de haut sur une surface de 3000m²), les difficultés de par les natures de matériaux utilisés et un planning très serré afin d’assurer la livraison dans les temps. Je suis très fière du rendu de cette zone que je trouve somptueuse à chaque fois qu’on peut la voir à la télévision. 

 

• En quoi consiste la démarche Women We Need You (WWNY) et quel est ton rôle dans celle-ci ?  

La démarche Women We Need You part d’un constat : en 2020, les femmes cadres travaux représentent 43% de l’effectif femmes cadres Ouvrages Publics-Brézillon (versus 53% de cadres hommes) 
En 2020, on compte 30 entrées de femmes cadres dont 16 en travaux. 16 sorties de cadres femmes dont 10 en travaux 

L’objectif à travers cette action emblématique est de : 

• Fidéliser les femmes et leur donner envie de rejoindre la filière travaux 
•  Promouvoir des femmes manager au sein de la filière travaux 
• Créer des perspectives attractives pour les jeunes générations 

J’ai participé à ces groupes de travail dans lesquels nous avons essayé de trouver quelques idées d’actions pour répondre à ces problématiques. J’ai fait partie du groupe de travail, concernant le thème de la parentalité qui me touche particulièrement. La crainte de ne pas réussir à pouvoir gérer la vie de famille avec la vie de chantier est une crainte qui existe au sein de la population de travaux mais qui est déjà présente dans la tête de chaque nouvelle embauchée. 

Pour ma part, je suis maintenant maman d’une petite fille d’un an et je dois apprendre à me réorganiser pour pouvoir jongler entre les deux. Aujourd’hui je n’ai pas encore trouvé la solution « miracle » qui me permette de trouver un total équilibre entre le chantier et l’éducation de mon enfant. 

J’ai fait le choix de continuer dans la branche des travaux car je suis passionnée par ce métier, par ces challenges. Il s’agit de métiers de caractère qui demandent énormément d’énergie, de volonté, et bien évidemment de temps, dans un contexte où les chantiers sont aussi de plus en plus courts. 

Alors concilier les deux est encore un challenge de nos jours. 

 

• On entend souvent parler du sujet de la mixité dans le secteur du BTP et notamment pour les femmes qui font carrière dans les travaux. Un mot pour défaire les idées reçues ?  

La mixité fait bien évidemment partie des sujets abordés au sein de la démarche WWNY.  Je pense qu’elle doit se traiter à 2 niveaux : au niveau de l’embauche et au niveau de la fidélisation, puisque le constat qui est fait est qu’à partir d’un certain grade le nombre de femmes cadres présentes au sein de l’entreprise décroit. 

Pour le premier point, cela commence par de l’attractivité. Il faut casser les clichés qui existent sur les chantiers en organisant par exemple des rencontres de femmes travaux aux lycéens voire aux collégiens et en poursuivant le principe du parrainage. 

Pour le second point, des actions sont en place, d’autres proposées à travers WWNY sont en cours de réalisation, les effets se ressentiront dans quelques temps. 

En un mot : les femmes ont largement leur place sur les chantiers, il n’y a rien de mieux pour réussir un projet que la diversité de population. 

 

• Enfin, quel mot décrierait le mieux ton parcours ou toi-même de façon plus générale ?  

Passionnée